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Poivron, piment doux, piment d’Espelette, chili (Capsicum annuum), piment rouge, piment-oiseau, "poivre" ou piment de Cayenne (Capsicum frutescens L.), piment habañero (Capsicum chinense), paprika doux, piment annuel, piment doux ou piment doux d’Espagne (Capsicum tetragonum),
Famille des Solanacées.
Les poivrons sont des piments doux. Originaire d'Amérique centrale, le poivron a été introduit en Europe par Christophe Colomb[1]
au XVIème siècle[2],
en même temps que le piment, tous deux appartenant à la même famille. Le poivron fait partie des premiers végétaux cultivés par nos lointains ancêtres. Il fut apporté jusqu’en Hongrie en 1585 où
il est encore cultivé.
L’étymologie du mot piment est incertaine, capsicum serait dérivé du latin capsa (boîte), évoquant la forme des fruits renfermant les semences. Aux Etats-Unis, les poivrons doux s’appellent bell peppers (poivrons en cloche). Capsicum pourrait venir également du grec capto (je mords), en référence à la saveur âcre de certaines variétés. Le terme "poivre de Cayenne" se réfère à la couleur du poivre, Cayenne étant un terme d’origine amérindienne de la famille Tupi (à l’origine kyinha, devenu cayan).
Le terme piment avait précédé la plante en Europe. Il désignait dès le XIIème siècle une boisson épicée et stimulante, dérivant sans doute de pigmentum, colorant, devenu par la suite épice et aromate. C’est seulement au XVIIème siècle que le poivre d’Amérique est désigné sous ce nom. En 1789, apparaîtra le mot "poivron" pour désigner le fruit du piment doux. En 1846, apparaît le terme "paprika"[3].
Ces variétés sont fréquemment utilisées comme légume (poivron doux) ou comme condiment (piment, paprika). Les spécialistes pensent qu’elles proviennent toutes de la même espèce originale. Le piment-oiseau est un piment de la taille d’un clou de girofle que l’on trouve aux Antilles et dont les oiseaux sont très friands. Ce sont les Turcs qui ont colporté le paprika en Hongrie où il est très consommé ainsi que dans les autres pays de l’Est notamment.
C’est le capsicum frutescens qui est plutôt utilisé dans les médecines naturelles.
Il s’agit d’une plante herbacée poussant dans les pays chauds, mais cultivée en Europe comme une plante annuelle. Il existe plus de deux cents variétés de piments. Leur nom change parfois d’une région à l’autre, selon qu’ils sont frais ou séchés. Les plantations aiment les climats chauds mais elles peuvent être réalisées sous serre. La récolte a lieu lorsque les piments sont presque rouges. On peut les faire sécher ou les consommer frais. Les plants de piments ont un port dressé, buissonnant et peuvent atteindre un mètre. On connaît une cinquantaine de variétés aux fruits de toutes les couleurs (rouge, jaune, vert si on les ramasse avant maturité). Le degré de piquant des piments se mesure aujourd’hui par chromatographie liquide à haute performance (HPLC en ppm), qui remplace les mesures en unités Scotville[4], déterminées jadis par des tests humains ; or il est établi qu’un ppm est équivalent à quinze unités Scotville. Les piments moyens sont de l’ordre de cinq mille unités Scotville, alors que les piments très forts peuvent aller jusqu’à trois cent mille unités Scotville. La capsaïcine[5] est le principe actif brûlant qui confère au piment sa saveur piquante et est surtout concentré dans les graines. Cette échelle n’a qu’une valeur relative puisque les piments d’un même type peuvent varier dans leur concentration de capsaïcine, plus élevée dans les pépins.
Des recherches archéologiques ont montré que le piment était déjà consommé au Mexique il y a neuf mille ans. Originaire des Andes ou du Brésil où les Aztèques le consommaient dans leur chocolat chaud et l’appelait le chili, nom que l’on a gardé pour désigner des petits piments des pays chauds. Les guérisseurs aztèques le recommandaient pour guérir les maux les plus divers, de la toux à la constipation. Il s’est acclimaté rapidement aux Antilles. C’est là que Christophe Colomb le découvrit sur un arbuste. Chanca, médecin sur le bateau lors du second voyage, écrivit : « les indigènes mangent ce fruit comme nous mangeons des pommes ». Il le rapporta en Espagne où tout de suite, il devint très populaire ainsi qu’au Portugal. C’est le piment mirasol[6] d’origine précolombienne, qui le premier, fut mentionné par Francisco Hernàndez[7] en 1635.
Le piment cascabel (grelot), rouge et rond, pousse à l’état sauvage sur la côte pacifique. Les Amérindiens le font sécher et l’utilisent comme instrument de musique, ses graines s’entrechoquant au moindre mouvement.
En quelques décennies, le piment devint un composant indispensable de la cuisine d’Asie du sud et du sud-est. Il était beaucoup plus facile à cultiver que d’autres épices donnant le même goût, qui étaient de plus vendues très chères, même dans leur pays d’origine. Le piment ne mit que quelques années à atteindre la Chine, où il changea radicalement la cuisine de la Province du Sichuan ; on y consomme le piment à tous les repas, d’ailleurs le petit déjeuner est composé d’un bol de nouilles saupoudrées de piment fort. La Thaïlande et l’Inde adoptèrent également le piment fort où il constitue l’ingrédient essentiel des chutneys et des masalas. Les piments de Cayenne et La Havane furent nommés selon leurs villes de production.
Ces légumes sont riches en vitamine C, plus présente dans le poivron doux que dans le piment ; d’ailleurs celle-ci a été découverte justement grâce au piment par le scientifique hongrois Szent Györgyi[8].
Les piments doux (paprika) et les piments dits "enragés" (de Cayenne par exemple), étaient utilisés traditionnellement dans les philtres d'amour. En Hongrie, les femmes tressaient des tiges de paprika en forme de croix qu’elles suspendaient au-dessus du lit, qui assuraient la fidélité de leur conjoint. Au Mexique, on brûle des piments rouges pour les "retours d'affection" et on en répand les cendres à un endroit où l'on est sûr que marchera la personne que l'on veut attirer. Dans toute l’Amérique Centrale, les piments forts servent les rites d’envoûtement. Selon une croyance mauricienne, du piment rouge placé sur la façade d'une maison repousse le mauvais œil.
Il est conseillé de porter des gants lorsque l’on touche à la chair des piments, et de ne pas se frotter les yeux ou les muqueuses. D’ailleurs les piments doivent être ouverts et épépinés, si possible sous un filet d’eau froide, avant utilisation
Aux Philippines, on consomme les feuilles de piment après les avoir fait cuire.
Au Mexique, le piment est présent dans la salsa borracha[9] (sauce ivre) comprenant également de l’ail, de l’oignon, du fromage, du jus fermenté d’agave[10] (le pulque[11]) et de l’huile d’olive.
Les piments se trouvent dans quantités de mélanges d’épices pour la cuisson des aliments, ou dans les condiments servis à part (par exemple les sambals indonésiens composés de purée de piment parfois aillée et citronnée).
Dans la diététique chinoise, les piments rouges et verts améliorent l’appétit, favorisent la digestion, réchauffent l’intérieur. Le piment a des vertus digestives, nutritives et stimulantes. Le piment de Cayenne est utilisé dans la pharmacopée ; il est antiseptique et utilisé contre les flatulences, les coliques et pour favoriser la circulation sanguine et la digestion. A trop forte dose, le piment peut être irritant pour le système gastrique.
Au XVIème siècle, un espagnol a rapporté du Nouveau Monde quelques graines de piments qui ont été plantées à Espelette[12] (Capsicum annuum). Cette variété fut d’abord utilisée pour relever certaines recettes de chocolat, Bayonne étant au XVIIIème siècle, la première ville chocolatière du Royaume. Dès le XVIIIème siècle, les jambons du Pays Basque furent recouverts de poudre de piment avant le séchage. Aujourd’hui tous les ans, le dernier dimanche d’octobre, les Chevaliers de la Confrérie du Piment d’Espelette intronisent leurs nouveaux membres à Espelette. Les chevaliers sont coiffés du béret basque, portent un costume vert bouteille et un grand collier de couleur bordeaux ; la cérémonie est très solennelle. Un bal et une partie de pelote ont lieu pour célébrer la nouvelle récolte de piments pendant que toutes les rues du village sont décorées de piments encordés.
Le paprika
Par le biais de l’occupation de la Hongrie par les Turcs[13], le paprika (Capsicum annuum) devint une des spécialités de ce pays.
Différentes variétés étaient cultivées en Amérique du Sud (probablement en Colombie pour l’espèce Capsicum annuum) avant l’arrivée des Européens.
Le terme paprika vient du serbe ou du hongrois paprika. Il dérive également de poivre (papapr en serbe).
L’appellation paprika est réservée aux fruits de piments originaires de la Hongrie. Il existe seize paprikas différents séparés en deux "crus", chaque cru allant du piquant à l’extra doux. Les piments sont débarrassés de leurs graines avant d’être séchés et moulus.
Le paprika est utilisé pour aromatiser les goulaschs hongrois et les bortschs russes. On le trouve également dans les sauces mole du Mexique, qui peuvent présenter différents degrés de piquant.
Il existe plusieurs dizaines de variétés de poivrons, de toutes tailles et de toutes les couleurs, du violet pourpre au rouge orangé, du vert sombre au jaune pâle.
Leur couleur est une indication sur leur goût : les verts sont moins mûrs et ont un goût épicé et légèrement amer, les rouges sont des poivrons verts qui ont mûri et qui sont donc plus sucrés, les jaunes et les oranges sont aromatiques et un peu moins sucrés que les rouges, les poivrons noirs ont un goût identique à celui des verts. Dans certaines régions d’Europe méridionale, on trouve des poivrons plus longs et plus étroits qui sont encore plus sucrés et ont plus de goût. On distingue plusieurs variétés : le poivron d'Amérique, rouge ou vert, charnu et doux que l'on reconnaît à ses quatre lobes bien marqués ; le poivron de Valence, vert, rouge et jaune aux lobes moins bien marqués ; le poivron des Landes, toujours vert, allongé et étroit ; le poivron violet, d'origine Hollandaise qui devient vert à la cuisson.
[1] Le Génois découvrit les piments, le maïs, les pommes de terre et les tomates.
[2] C'est le médecin de Christophe Colomb, Chacan, qui le découvrit en 1494 à Cuba et le rapporta en Espagne.
[3] D’après Jean-Marie Pelt, Les épices, p. 143.
[4] En 1912, un pharmacien, Wilbur Scotville, décide de créer une mesure du taux de piquant des piments. Le piment est trempé dans l’alcool pendant plusieurs jours afin d’en extraire la capsaïcine. Le liquide extrait est dilué dans l’eau jusqu’à ce que le goût ne soit plus ressenti comme épicé par la bouche humaine. Le nombre de dilutions de la capsaïcine donne une mesure relative de piquant du piment et l’échelle de Scotville (de 0 à 300000) a pu être établie. Par exemple, le piment de Cayenne est dans la tranche 30000 à 50000 Scotville. Le piment Habañero est dans la tranche la plus élevée : 100000 à 300000 Scotville.
[5] Cette substance est à peine présente dans les poivrons.
[6] Mirasol signifie "regarde le soleil". Son appellation espagnole chile trompa est plus explicite : "trompe d’éléphant", car il se recourbe avant de pointer vers le ciel. Il donne une coloration jaune aux plats.
[7] Médecin et botaniste espagnol (1514 – 1578). Il est choisi par Philippe II pour diriger une expédition scientifique en Amérique et notamment en Nouvelle Espagne. Durant trois ans, il parcourt l'Amérique centrale ; il habite à Mexico où il constitue sa collection, étudie les pratiques médicales locales ainsi que l'archéologie. Il rapporte une collection considérable de plantes séchées ou non ainsi que trente-huit volumes de dessins et de notes. Il meurt avant de voir paraître son œuvre ; des retards ne permettront une parution qu'en 1635 et en 1651.
[8] Biochimiste (Budapest 1893). A partir du paprika, il isola, en 1933, pour la première fois l’acide ascorbique en quantité notable. Il fut prix Nobel de médecine en 1937.
[9] Sauce piquante consommé quotidiennement au Mexique avec les hors d’œuvres et les viandes.
[10] Plante très décorative dont on tire des fibres textiles à partir des feuilles et des boissons de la sève fermentée.
[11] Boisson fermentée fabriquée avec le suc de certains agaves.
[12] Ville des Pyrénées-Atlantiques.
[13] Entre 1437 et 1526.