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Blog proposant des recettes de cuisine faciles mais goûteuses, réalisées avec des produits de saison bio. Articles sur l'anthropologie des épices et des légumes.

Histoire des légumes, 2ème partie

Ce n’est qu’après la Révolution, avec l’appertisation, que la conservation des légumes, de la viande et des fruits entre dans l’ère moderne. L’appertisation est en fait la stérilisation encore utilisée de nos jours. Son inventeur, Nicolas Appert[6], travailla également sur la conservation du lait, de la bière, du cidre et du vin. Aujourd’hui, on estime que plus de quatre-vingts milliards de produits sont appertisés chaque année[7].

 

Et même si à l’époque moderne, les aliments végétaux vont être anoblis, l’opinion qui tend à placer les aliments végétaux à part, en ne leur accordant qu’une très faible capacité nutritive, restera longtemps et profondément enracinée dans la culture. Ainsi dans les proverbes français du XIXème siècle, on distingue toujours deux groupes d’aliments : ceux qui reconstituent le corps (pain, vin, viande) et ceux et aident à digérer, complémentaires des premiers (salades, fruits et légumes).

L’intérêt pour les légumes a commencé au XVIème siècle. Mais ce sont les cuisiniers du XVIIème siècle, en développant une vraie cuisine des légumes aussi bien en gras qu’en maigre, en cherchant à souligner, conserver, révéler ou concentrer la saveur propre du légume, qui ont certainement contribué à la réhabilitation de ces derniers. L’essor des légumes à l’époque moderne traduit leur changement de statut social en même temps qu’une transgression des prescriptions médicales, un début de rupture avec l’ancienne diététique. Il est lié à l’influence italienne, à la conquête des océans, à l’amélioration des techniques de culture, à l’engouement pour la nature, à la croissance des villes.

Les plus estimés sont alors les artichauts, les asperges, les petits pois, les champignons, les concombres, les choux-fleurs, les cardons et cardes d’artichauts ou de poirée, les épinards, les fèves fraîches, les oignons, les laitues et les chicorées, le plus souvent des légumes de pénétration récente. Les élites sociales se tournent vers des aliments végétaux moins nourrissants. Comme si leur but n’était plus désormais de se nourrir mais de diversifier les mets. Ces légumes sont caractéristiques d’une alimentation délicate et marqueur d’une différenciation sociale surtout dans le cas des légumes précoces.

Cependant au nord de la Loire certains légumes vont connaître un purgatoire de plusieurs siècles comme l’aubergine et la tomate – d’abord plantes ornementales qui ont eu la malchance d’être comparées à la mandragore et la belladone – et la pomme de terre. Des plantes venues d’Amérique, seuls le topinambour et le haricot seront prisés des élites ; deux produits dont le goût[8] ou le nom – bien que n’ayant aucun rapport puisque le haricot de mouton était cuisiné avec des navets – déjà connu semblent avoir facilité leur intégration.

Tout comme au XVIIème siècle, les légumes vont connaître un phénomène similaire dans l’art culinaire de la fin du XXème siècle, après un long purgatoire dans la cuisine bourgeoise et populaire, étant devenus simples crudités ou légumes d’accompagnement. Ils vont refaire leur apparition avec la « Nouvelle Cuisine » des années 1970[9].

 

Aujourd’hui, les légumes représentent l’un des plus importants groupes alimentaires. Ce terme regroupe différentes variétés botaniques, les gousses (pois), les feuilles (choux, épinards), les pousses de tiges (asperges), les tubercules (pommes de terre), les racines (carottes), les bulbes (oignons), les fruits appelés légumes-fruits (tomate, courge, aubergine…), les inflorescences (brocoli, chou-fleur), les légumineuses (fèves, haricots). Le Petit Robert donne une définition en usage depuis les XVIIème/XVIIIème siècles, encore d’actualité : « Nom générique de toutes les plantes potagères dont certaines parties (feuille, racine, tubercule, bulbe, fruit, graine, fleur, tige) peuvent entrer dans l’alimentation humaine.

C’est à partir de la racine latine lego, signifiant rassembler, regrouper qu’a été formé legumen, désignant des graines comestibles regroupées à l’intérieur d’une gousse ou d’une cosse de certaines plantes de la famille des légumineuses.

Les légumes secs sont très riches d’un point de vue nutritionnel, ils apportent des protéines, du fer, des fibres alimentaires, du magnésium, des acides foliques et du potassium. Ils ne contiennent pas de cholestérol, et peuvent au contraire contribuer à abaisser le taux de cholestérol sanguin.

Le bulbe est à la tête de file d’une famille qui regroupe un grand nombre d’aromates indispensables à la cuisine : ail, échalote, ciboulette, oignon grelot et d’autres variétés. Ces espèces sont intermédiaires entre les légumes et les épices. Leur point commun est qu’elles peuvent dégager une odeur puissante et un désagréable gaz lacrymogène. C’est pour cette raison qu’un oignon avait été emporté à bord de Skylab en 1983, afin d’étudier le devenir des larmes en apesanteur !

 

Les légumes sont classés sous différentes familles. La famille des composées, maintenant divisée en astéracées et chicoriacées, est une famille plutôt récente, plus particulièrement dans les régions tempérées tropicales et septentrionales ; l’artichaut par exemple en est un membre. La famille des crucifères maintenant appelée brassicacées, est une famille dispersée dans le monde entier, comprenant entre autres le brocoli, le chou chinois, le chou-rave, le cresson, le navet, le radis, etc. La famille des chénopodiacées compte une majorité d’espèces dont la blette à carde.

 

Dans la Rome antique, une grande partie des légumes que nous connaissons aujourd’hui étaient cultivés dans des jardins aux environs de Rome. Les Romains ont laissé beaucoup d’écrits sur la culture des légumes. Il y a deux mille ans, Pline[10] a également beaucoup écrit sur les légumes d’Egypte. Le système de classification des plantes modifié au cours du temps, établit par Carl Linnaeus[11] dans ses ouvrages Genera Plantarum et Critica Botanica de 1737, est encore utilisé de nos jours et obligatoire dans le monde entier. De plus, partout où ils se rendaient, les Romains emportaient avec eux leurs plants et/ou leurs légumes. Beaucoup de noms botaniques dérivent des surnoms des propriétaires romains responsables des jardins : par exemple les Pisones ont donné Pisum (pois), les Fabii ont donné Faba (haricot), les Cicerones ont donné Cicer (les pois), les Lentulii ont donné Lentulus (lentilles)[12].

 

[6] (1755-1841). Nicolas Appert meurt dans la misère et est enterré dans la fosse commune. N’ayant pas obtenu de brevet concernant la stérilisation des conserves, d’autres tireront profit de son travail.

[7] D’après William Wheeler, Connaître, utiliser, savourer les légumes, p. 133-134.

[8] Le topinambour a en effet le goût de l’artichaut.

[9] D’après Dominique Michel, Vatel et la Gastronomie, Fayard.

[10] Pline Le Jeune, écrivain latin (61 - vers 114), neveu et fils adoptif de Pline Le vieux.

[11] (1707- 1778), fondateur de la botanique moderne.

[12] George M. Taylor, British Herbs and Vegetables, Collins, Londres, p. 8.

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